PFAS : le fabricant du sucre Daddy alimente un cycle de pollution éternelle
Fuente del artículo: Consoglobe /image: - / Par: Anton Kunin
Derrière l’image rose bonbon de la marque Daddy, une réalité moins sucrée : plusieurs usines du groupe Cristal Union, son propriétaire, sont aujourd’hui éclaboussées par un scandale environnemental majeur.
Selon une enquête de l’ONG Disclose, le géant du sucre serait au coeur d’une contamination aux PFAS, ces « polluants éternels » qui s’accumulent dans les sols, l’eau et les organismes vivants.
Des PFAS détectés dans les usines du fabricant du sucre Daddy
Une enquête conjointe de l’ONG Disclose, du média en ligne Reporterre et de France 3 Champagne-Ardenne, publiée le 9 octobre 2025, a mis au jour la présence de PFAS dans plusieurs installations du groupe Cristal Union, principal fabricant français de sucre et détenteur de la marque Daddy. Ces substances, connues pour leur extrême persistance dans l’environnement, soulèvent de graves questions sur la responsabilité des industriels de l’agroalimentaire face à une pollution désormais qualifiée d’« éternelle ». Des molécules ultrapersistantes ont été détectées sur trois sites industriels de Cristal Union. Ces usines transforment la betterave sucrière, une filière stratégique en France, mais leurs rejets pourraient contribuer à disséminer des polluants dans l’environnement. L’enquête indique que les PFAS ont été identifiés non seulement dans les eaux industrielles, mais aussi dans des sous-produits agricoles utilisés dans les champs
Ainsi, la vinasse, résidu liquide issu de la distillation du sucre et employée comme engrais, contiendrait des traces de ces composés chimiques. De même, la mélasse, souvent revendue comme aliment pour le bétail, serait également contaminée. Ce cycle « du champ à la betterave » aboutit à une forme de recyclage invisible : la pollution se propage d’une filière agricole à une autre, bouclant un cercle que Disclose qualifie de « cycle de pollution éternelle ». L’ONG précise avoir eu accès à plus de 500 analyses, tenues secrètes par l’entreprise ou ses sous-traitants. Ces tests révèleraient des concentrations significatives de PFAS dans les effluents et les sols. Selon Disclose, « plus de 500 analyses tenues secrètes » ont été recensées, mais leurs résultats n’ont jamais été publiés ni transmis aux autorités locales.
Interrogé par Reporterre(1), le groupe Cristal Union a réagi en déclarant qu’il ne « n’utilise aucun PFAS dans ses processus ». Une affirmation reprise dans plusieurs médias, qui met en évidence la complexité du dossier : ces polluants peuvent provenir d’additifs chimiques employés dans les chaînes de production, de matériaux de revêtement ou encore d’anciens rejets historiques dans les sols industriels.
Des polluants éternels déjà encadrés par la loi
Les PFAS (per- et polyfluoroalkylées) regroupent plus de 4.000 molécules utilisées depuis les années 1950 pour leurs propriétés antiadhésives et imperméabilisantes. Présents dans les textiles, les emballages ou encore les mousses anti-incendie, ils se dégradent très lentement. Dans l’eau ou dans le sang humain, leur demi-vie peut se compter en années..
Face à leur accumulation, la France a adopté, le 20 février 2025, une loi qui impose une redevance de 100 euros pour 100 grammes de PFAS rejetés dans l’eau. Elle prévoit également des obligations de transparence et de surveillance des rejets industriels. Une avancée saluée par les ONG, mais qui peine encore à s’appliquer dans certaines branches de l’agro-industrie. Au niveau européen, la réglementation s’est également durcie. L’Union européenne a restreint l’usage des PFAS dans les mousses d’extinction, qui représentaient jusqu’à 60 % des produits contenant ces composés chimiques. Ces interdictions constituent une première étape avant une limitation plus large à d’autres secteurs, dont l’alimentation et l’agriculture.
Ces évolutions réglementaires visent directement les industriels, désormais sommés de cartographier leurs émissions de PFAS. Pour Cristal Union, dont les usines rejettent chaque année des volumes considérables d’eaux usées et de sous-produits agricoles, la question du contrôle devient centrale. Pourtant, comme le rappelle Reporterre, aucune mesure publique complète n’a encore été publiée concernant les sites du groupe.
Des terres contaminées et le silence de l’industriel
Dans le département de l’Aube, en Champagne-Ardenne, la filiale sucrière de Cristal Union située à Bazancourt est l’un des sites cités par l’enquête. Des échantillons de sols et de boues agricoles prélevés dans les environs présentent des concentrations anormales de PFAS, selon les analyses compilées par Disclose. Ces résultats confirment la persistance d’une pollution diffuse, déjà observée autour d’autres complexes agro-industriels français. Les agriculteurs locaux, eux, s’inquiètent pour la qualité de leurs terres et des cultures de betteraves. Des associations de défense de l’environnement, comme Générations Futures, demandent désormais la publication complète des données environnementales détenues par les industriels.
De son côté, Cristal Union assure coopérer avec les autorités et se conformer aux exigences réglementaires. Le groupe rappelle qu’il « respecte toutes les normes environnementales en vigueur » et qu’aucun de ses produits finis ne contient de PFAS ajoutés. Mais pour les enquêteurs de Disclose, la question n’est pas celle de la composition du sucre, mais de la contamination environnementale induite par l’ensemble du cycle de production : de la betterave aux résidus agricoles.
Les polluants éternels se retrouvent ainsi au coeur d’un dilemme industriel : comment maintenir une production intensive sans propager davantage de substances indestructibles ? Selon les experts cités par Reporterre, la réponse passe par une surveillance indépendante et des analyses publiques systématiques, faute de quoi la « pollution invisible » continuera de s’étendre.